Sur l’île de Gorée, au large de Dakar, la Maison des Esclaves représente aujourd’hui l’un des plus puissants symboles de la mémoire de la traite négrière transatlantique. Construite en 1776, cette maison servit de point de transit pour des milliers d’Africains déportés vers les Amériques. Devenue musée et lieu de recueillement, elle attire chaque année des centaines de milliers de visiteurs de toutes nationalités. Son célèbre escalier, ses cellules étroites, l’émotion brute de la “Porte du Voyage sans Retour” en font un lieu d’histoire mondiale et un appel vibrant à la transmission.
Histoire de la Maison des Esclaves
Datant de 1776, la Maison des Esclaves serait la dernière esclaverie sur l’île, mais Gorée a connu la traite dès 1536 avec les Portugais, puis les Hollandais, Anglais et Français.
Les captifs, hommes, femmes et enfants, étaient enfermés dans des cellules exiguës (2,60 m sur 2,60 m, 15 à 20 personnes enchaînées au cou et aux bras). Ils y attendaient parfois près de trois mois dans des conditions extrêmes, séparés de leur famille. La maison pouvait ainsi héberger jusqu’à 150–200 esclaves, en attendant l’embarquement vers le “Nouveau Monde”.
La « Porte du Voyage sans Retour »
Le symbole le plus marquant du lieu, la “Porte du Voyage sans Retour”, s’ouvre en contrebas, directement sur la mer. C’est par cette ouverture que des milliers d’esclaves embarquaient à destination des plantations américaines, sans espoir de retour. Elle incarne la rupture absolue avec la terre natale et la violence de la déportation.
Aujourd’hui, elle est devenue un lieu universel de recueillement et de réflexion sur la dignité humaine et la mémoire des peuples.
Le rôle de Boubacar Joseph Ndiaye
Le rayonnement international de la Maison des Esclaves est intimement lié à la personnalité de Boubacar Joseph Ndiaye, conservateur charismatique de 1962 à 2009. Grâce à ses récits, son engagement et sa pédagogie, Ndiaye contribua à faire connaître l’histoire de Gorée et à faire de la Maison un site de mémoire planétaire. Il a accueilli des personnalités de tous horizons et transmis l’importance du devoir de mémoire, transformant la visite en une expérience inoubliable.
Un lieu de mémoire universel
Transformée en musée dès 1962 puis inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1978, la Maison reçoit chaque année environ 500 visiteurs par jour.
Elle a accueilli des figures majeures telles que Nelson Mandela, Barack Obama, le pape Jean-Paul II, Bill Clinton ou François Mitterrand qui y vinrent se recueillir. La Maison symbolise à la fois l’horreur de la traite, la résilience des peuples africains et la nécessité de transmettre cette histoire aux générations futures.
La visite de la Maison des Esclaves
- Cellules : celles des hommes, des femmes, des enfants, ou des “inaptes temporaires”, toutes minuscules, sombres, donnant la mesure de la dureté des conditions.
- Escalier central : menant à l’étage des appartements du négociant, témoignage du contraste entre luxe et misère.
- Porte du Voyage sans Retour : moment le plus émouvant de la visite, passage symbolique entre Afrique et Amériques.
- Expositions : documents, cartes, artefacts et objets historiques liés à l’esclavage et à la traite négrière.
La visite guidée, souvent assurée par un guide passionné, replace chaque élément dans le contexte global du “commerce triangulaire”.
Anecdotes et faits marquants
- Selon la tradition orale, l’enfant, la mère et le père étaient systématiquement séparés dès leur arrivée : chaque cellule avait sa destination, aucun espoir de se retrouver sur le même bateau.
- Certains guides racontent que la valeur d’un captif dépendait de sa dentition (pour les enfants) ou de la musculature (pour les hommes), les femmes étant parfois plus chères selon leurs attributs physiques.
- Lors de l’attente, un ou deux esclaves “inaptes” étaient parfois relâchés ou laissés sur place – certains restaient à Gorée et ont formé la base de la communauté créole insulaire.
- Des célébrités auraient versé des larmes devant la Porte du Voyage sans Retour
Que faire à la Maison des Esclaves ?
- Parcourir les cellules et la Porte du Voyage sans Retour, s’immerger dans l’histoire et l’émotion du lieu.
- Écouter le récit d’un guide pour replacer la Maison dans la réalité douloureuse de la traite.
- Découvrir les expositions et témoignages historiques, parfois enrichis d’archives originales ou de cartes anciennes.
- Se recueillir, partager l’expérience avec d’autres visiteurs.
- Prolonger la visite par la découverte des autres musées de Gorée, des ruelles colorées ou des ateliers d’artistes locaux.
Infos pratiques
- Localisation : Île de Gorée, accessible en ferry (20 min) depuis Dakar.
- Accès : plusieurs départs quotidiens depuis le port de Dakar ; quai très proche de la Maison.
- Horaires : de 10h à 18h (fermé le lundi).
- Tarifs : 5 000 FCFA (env. 8 €) étrangers, 500–1 000 FCFA nationaux.
- Conseils : prévoir 1 h pour la visite, combiner avec Musée Historique et préparer les enfants à la portée historique du lieu.